mercredi 12 juin 2013

Un article d'Anne-Laure Blanc dans Boulevard Voltaire

Nous le reproduisons à la suite. Cliquer ici pour le lire sur le site de Boulevard Voltaire.

Depuis quelques semaines, plusieurs centaines de personnes — bientôt un millier — ont été contrôlées, arrêtées, enfermées et certaines même tabassées par les forces dites de l’ordre.
Pour quel motif ? Parfois pour avoir participé paisiblement à une marche ou un rassemblement de défense de la famille, lors de manifestations autorisées et bien organisées. Parfois pour avoir simplement été présent à proximité de ces manifestations. Pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment – devant le Louvre ou le théâtre des Champs-Élysées, dans une gare, aux abords d’un lycée. Parce que le mauvais moment, c’est quand un ministre vient au concert, quand le Président vient faire une causerie…
Non, nous ne sommes pas dans une de ces républiques bananières qu’on se plaît à moquer, mais en France, pays des libertés.
Tous ces gens sont sans histoire, respectueux des lois. Ils croyaient sincèrement, et sans doute naïvement, pouvoir exprimer leurs opinions ou circuler librement dans la rue. La preuve est faite que ce n’est pas vrai !
Après les interpellations et les gardes à vue viendront les procès, les jugements, les condamnations. Car ces victimes, pour défendre leur bon droit, vont être contraintes d’entamer des procédures coûteuses, de s’acquitter de frais de justice. Elles doivent aussi se faire soigner si elles ont été blessées – et ces soins ne seront pas toujours remboursés. Elles peuvent être également victimes de sanctions pénalisantes dans leurs études, leur métier, leur environnement. Inutile de préciser que la grande majorité de ces manifestants sont étudiants et sans grandes ressources.
L’association Solidarité pour tous, créée en mai à la suite des premières gardes à vue abusives, a pour but de leur apporter une aide financière, mais aussi juridique, morale et sociale. Car, si le temps médiatique est court, le temps de la justice est long, très long parfois. Il s’agit donc de « faire des provisions pour la route », de prévoir sur la durée, et donc d’anticiper autant que faire se peut.
Nous sommes d’ores et déjà à la disposition des victimes de la répression policière et judiciaire pour leur venir en aide. Elles peuvent nous adresser leurs demandes par courrier ou par courriel. Ces demandes, si elles sont d’ordre financier, seront examinées par un « comité des dons » en toute transparence, et le plus équitablement possible. Si elles sont d’ordre juridique, nous ferons en sorte de conseiller les avocats les plus à même de traiter leur dossier. Car leur victoire sera notre victoire à tous !
Tous les témoignages sont également les bienvenus : il s’agit de se tenir les coudes, d’être solidaires dans toutes nos actions, afin de ne rien lâcher !

Entretien de Anne-Laure Blanc dans Le Rouge & le Noir

Anne-Laure Blanc, présidente de Solidarité Pour Tous, a répondu aux questions de la gazette-en-ligne Le Rouge & le Noir. Découvrez ci-après le contenu de cet entretien, qui a également été repris dans le blog Le Salon Beige.

Solidarité pour tous : face à la répression et à l’injustice, on ne lâche rien !


R&N : Anne-Laure Blanc, comment en êtes-vous venue, vous, une simple mère de famille nombreuse, à créer cette association ?

L’association Solidarité pour Tous est née d’une colère et d’un constat. La colère, c’est celle que je partage avec tous les jeunes gens et jeunes filles qui, aux premiers rangs de nombreuses manifestations non violentes, ont été gazés, bousculés, maltraités, interpellés, mis en garde à vue de manière totalement arbitraire. Celle aussi que je partage avec les milliers de manifestants « bien élevés » dont la voix n’a pas été entendue par le gouvernement. Celle que je partage, plus largement, avec tous les Français qui ne comprennent pas pourquoi des voyous, au Trocadéro, ont pu casser impunément cafés et boutiques, alors que des veilleurs pacifiques étaient plaqués au sol et menottés avant d’être mis en garde à vue.

R&N : Une colère et un constat ? 

Nous avons été nombreux à constater sur le terrain, tant à Paris qu’en province, que ces jeunes gens, lycéens, étudiants, jeunes travailleurs ou jeunes chômeurs, mères de famille, se dépensaient corps et âme pour défendre des valeurs essentielles : le mariage, la famille, la filiation naturelle. Et qu’ils le faisaient en prenant des risques, en donnant de leur temps, avec toute leur énergie. [...]
Découvrir la suite sur Le Rouge & le Noir.

Compte-rendu d'audience (10 juin 2013)

COMPTE-RENDU D'AUDIENCE
Lundi 10 juin, TGI de Paris.

NDLR : Ces notes ont été prises par David au fil de l’audience. Nous préférons ne pas les remanier plus que nécessaire. Un grand merci à lui.

Jeune, blond, solide, Pierre se tient debout, droit, devant le juge.
On lui reproche une rébellion et des coups sur des policiers.
L'avocat (Maître Lerate) m’a confié qu'il espérait la relaxe.
Pierre, qui fêtera ses 19 ans le lendemain, est poursuivi pour rébellion le 20 avril.
Aucune condamnation ne figure à son casier.
Le juge donne lecture du PV d'interpellation :
« Rue Babylone, la police surveille et remarque un individu particulièrement violent qui provoque (coups de pieds sur bouclier) et incite d'autres participants. [...] Celui-ci résiste et chute violemment au sol. D'autres CRS viennent assister et font "une bulle de protection".
Il se maintient au sol. Lors de la palpation, il n'y a aucun objet dangereux. On remarque une plaie saignante qui aurait été provoquée lors de la chute. »
L'avocat soulève des nullités : la notification de droits a été retardée de 53 minutes. La loi et jurisprudence demandent que celle ci soit immédiate. […] Le PV manque de circonstances de lieu et ne donne pas de motifs de faits. L'avocat demande la nullité des actes. L'OPJ ne fait pas état de faits qui permettent de défendre.
Le parquet : « le prévenu a fait l'effort de venir de province et donc j'ai fait l'effort de lire les demandes de nullité. »
Le parquet nie toute demande de nullité sur les retards. Il invoque des circonstances exceptionnelles liées aux très nombreuses interpellations.
Le parquet ne « comprend pas » pourquoi la nullité pour l'OPJ.
Le juge: « On va joindre au fond ces demandes de nullité » (qui sont donc rejetées).
Pierre : « à la suite de la manifestation, je me suis dirigé vers l'esplanade où une veillée était prévue. J'ai vu un prêtre qui se faisait tabasser pour avoir défendu un jeune. Dans un mouvement d'humeur, je me suis dirigé vers les CRS et les barrières. Je reconnais avoir donné un coup sur les barrières. Là, je n'ai pas compris : un individu m'a sauté dessus et plaqué à terre. Je me suis débattu. Quand j'ai vu que plusieurs CRS étaient sur moi, j'ai compris que j'étais arrêté. J'ai reçu des coups et je me débattais. »
Le juge appelle l’avocat d'un policier en civil qui n’est pas présent. L'avocat se porte partie civile.
« Le policier avait bien un brassard, on le voit en photo sans brassard mais ça ne prouve rien c'est peut être dans une autre manifestation » ; « C'est très difficile pour les policiers. » « Les CRS travaillent énormément en ce moment. »
Monsieur Fortier explique que Pierre a résisté. Oui, l'intervention est très musclée, Pierre se débat violemment pour tenter de s'enfuir. Les CRS ont effectivement entouré Pierre pour aider M Fortier. C'est très difficile de travailler dans ses conditions. M Fortier demande 500 € au titre du préjudice moral et 390 € au titre de l'article [...].
Le juge questionne Pierre.
Pierre : « Je suis apprenti couvreur. »
« Vous avez 5 jours d'ITT pour les os cassés du nez »
Le parquet: « le problème, c'est la fin de manifestation. »
« Les policiers sont particulièrement vigilants sur les fins de manifestations. »
Le rôle de Monsieur Fortier est de vérifier que tout se passe bien. Mais Monsieur (Pierre) ne s'est pas laissé faire.
Le parquet soutient qu'on aurait laissé partir le prévenu s'il n'avait pas résisté, et que seule sa résistance l'a conduit en GAV.
Le parquet demande 70 heures de travaux d'intérêt général.
Maître Lerate exprime sa surprise devant les montants demandés par la partie civile. Quelle comparaison avec le Trocadéro? Pierre a participé à toutes les manifestations.
L'avocat souligne que seules les résistances "avec violence" sont condamnables. Hors les violences ne sont pas caractérisées. Il n'y a pas de voie de fait. Le seul coup de pied est contre les barrières. Sur toutes les vidéos, ont voit le prêtre se faire tabasser.
Pierre voit cette interpellation injuste et violente et a un mouvement d'humeur.
Pierre est saisi "dans le dos" et a eu légitimement un mouvement de surprise. Il a eu une résistance passive, aucun fonctionnaire n'a été atteint. Il se débat sans porter de coups.
Les policiers en civil ne portent ni brassard ni badges. Comment peut-il se dire dans la surprise que c'est un dépositaire de l'autorité publique?
Dans les faits, il s'agit d'une absence d'éléments intentionnels de résistance "aux forces de l'ordre". Une fois au sol il n'a pas résisté. J'aimerais bien voir un jeune avec 10 CRS sur le dos, le nez cassé, tabassé par les forces de police, menotté dans le dos, capable de résister?
Violence? Aucune vidéo, aucune photo, alors que les faits sont filmés par les forces de police, aucune vidéo nette de violence de mon client! Je demande la relaxe pure et simple de mon client.
Un temps, le juge hésite et demande des détails au greffier.
Il signifie qu'il rendra sa décision le 9 juillet.